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Cataracte : retour à la clarté en trois actes 

Cette altération du cristallin est aujourd’hui traitée sans douleur. Scénario de l’opération routinière qui restaure la vision. 

La reine d’Angleterre et Johnny Hallyday ont connu ces symptômes : l’éblouissement face aux lumières, le jaunissement des couleurs, l’impression d’une vue voilée, voire la sensation de regarder un tableau impressionniste, la poésie en moins. La monarque et le chanteur se sont tous les deux fait opérer de la cataracte – du latin cataracta, chute d’eau, à cause du sentiment que donne cette maladie de voir à travers une cascade. 

Selon l’OMS, la cataracte est la principale cause de déficience visuelle dans le monde. L’altération consiste en une opacification progressive, partielle ou totale, du cristallin – cette lentille naturelle à l’intérieur de l’œil – qui empêche la vision, pouvant mener jusqu’à la cécité. Essentiellement causée par le vieillissement du cristallin, elle concerne l’ensemble de la population, même si elle se présente surtout après 60 ans. Elle peut toucher les deux yeux à divers degrés de sévérité et pour s’en débarrasser, une seule solution existe : la chirurgie. 

Les personnes atteintes peuvent être effrayées par la perspective d’une chirurgie de l’œil. Or l’opération de la cataracte est aujourd’hui une routine parfaitement maîtrisée. Médecin spécialisé en ophtalmochirurgie agréé aux Établissements hospitaliers du Nord vaudois (eHnv), Federico Mossa emploie surtout la technique de « phacoémulsification ». Parmi les pionniers, il pratiquait déjà cette méthode chirurgicale en 1994 lorsqu’il était étudiant à l’Université d’Oxford. « Celle-ci consiste à pulvériser le cristallin abîmé à l’aide d’une sonde à ultrasons à haute fréquence, puis à aspirer ses fragments, pour ensuite le remplacer par un cristallin artificiel », explique-t-il. 

Dr Frederico Mossa

Dr Frédérico Mossa 
Médecin spécialisé en ophtalmologie

1. Anesthésie non douloureuse 

La phacoémulsification peut se faire sous deux types d’anesthésies. La première, la topique, est réalisée avec un gel anesthésiant. Peu invasive et non douloureuse, cette solution sans piqûre, réalisée en ambulatoire, est toujours plus populaire et constitue la préférée de Federico Mossa

L’autre anesthésie, plus invasive, est la péribulbaire, et consiste en une injection dans l’oeil effectuée à l’aide d’une petite seringue. Le type d’anesthésie choisie dépend de l’habileté du chirurgien – la première requérant plus de précision – et du type de cataracte. « Pour les cas complexes qui ne sont pas routiniers, par exemple travailler sur une petite pupille, une particularité anatomique rare, la péribulbaire peut être nécessaire même pour un bon chirurgien. » 

2. Ponction dans la cornée 

Après l’anesthésie, le chirurgien pratique deux paracentèses. Ces ponctions dans la cornée (la membrane antérieure et transparente du globe oculaire), réalisées à l’aide d’un instrument chirurgical microscopique sophistiqué et d’un microscope opératoire, permettent d’accéder à la chambre intérieure de l’oeil. Dans cette petite fenêtre d’accès au noyau de la cataracte, le spécialiste fragmente le cristallin abîmé, puis l’aspire. Il introduit ensuite un implant.

Cataracte


3. Implant intraoculaire 

L’implant intraoculaire est une prothèse de cristallin, faite en acrylique dont la durée de vie est de 500 ans. « Il ne comporte aucun risque, le corps le tolère très bien », précise Federico Mossa. Pendant l’opération, qui dure seulement dix minutes, le médecin a le regard fixé sur le microscope et les mains au-dessus de l’œil du patient. Le pied droit gère le microscope et le gauche, l’appareil de phacoémulsification. « Il faut une coordination parfaite. » Pour cela, la formation et la pratique sont fondamentales, insiste-t-il. 

Auparavant, d’autres méthodes, beaucoup plus agressives, étaient employées pour traiter la cataracte. « On utilisait un bistouri pour effectuer une incision qui demandait à être recousue après l’opération. Aujourd’hui, la paracentèse est auto-étanche c’est-à-dire qu’elle cicatrise seule, sans suture. Le patient récupère plus rapidement et les risques de complications sont réduits. » 

Ce traitement révolutionnaire est apparu dans les années 1980. Au cours de la décennie suivante, il s’est répandu dans le monde entier. Aujourd’hui, la perfection en matière de chirurgie est atteinte, estime Federico Mossa. « Cela dit, la technologie et les implants se développent continuellement, ils sont de plus en plus performants, mais cela a un coût », souligne-t-il, ajoutant au passage que le remboursement du traitement de la cataracte par les caisses maladie diminue.

Même en l’absence de cataracte, lorsqu’une intervention au laser est impossible, un cristallin artificiel peut corriger d’autres défauts de la vue, tels que l’astigmatisme, la presbytie, la myopie ou encore, l’hypermétropie. Il s’agit dans ces cas d’une chirurgie de confort qui permet de se passer de lunettes. « Bientôt, celles-ci seront un vestige du passé », soutient Federico Mossa, relevant que les nanotechnologies représentent un champ prometteur.

Pourrait-on agir en amont et prévenir la cataracte ? « Sa prévention a toujours été le graal des chercheurs, mais personne n’a encore trouvé la solution. » De plus, son traitement peut être considéré comme un indice de développement. « Dans les pays les plus avancés, on opère les personnes affectées, les rendant ainsi à nouveau autonomes. C’est ce que permet le système de santé suisse. » En revanche, dans certaines régions, ceux qui en souffrent perdent la vue. Comme en Afrique subsaharienne ou en Chine, laquelle détient le pire indice de traitement de la cataracte et compte le plus grand nombre d’aveugles dans le monde.


Texte : Andrée-Marie Dussault
Photographie : Jeremy Bierer