Hmag -
Le cancer en période de corona
Certains traitements ne peuvent pas être interrompus. C’est le cas pour les patients du service d’oncologie. Un médecin, une infirmière et une patiente décrivent la traversée de cette période inédite.
Pour Marie, 43 ans, à qui on a diagnostiqué un cancer du sein en novembre dernier, la pandémie est un événement mineur. «L’annonce de mon cancer a été un véritable tsunami, le coronavirus, une petite vague.» Sa principale crainte a concerné un éventuel manque de médicaments, point sur lequel elle a rapidement été rassurée. «Je me sens particulièrement privilégiée en Suisse, en regard de ce qui peut se passer dans d’autres pays. Les soins ont continué, le matériel est resté disponible et je n’ai jamais ressenti un manque de personnel.»
Maggy Chappuis, infirmière cheffe au service d’oncologie prépare une injection pour le traitement des patients. Malgré la pandémie, le matériel est disponible en suffisance.
Il faut dire que la situation du nouveau centre en oncologie et hématologie, inauguré en 2018, aide à faire face à une pandémie. Isolée du bâtiment principal, la structure permet de protéger les patients du contact avec les personnes infectées par le virus. Car pour les personnes atteintes de cancer, il est impossible de suspendre le traitement. D’autant plus qu’elles se trouvent particulièrement à risque en raison de leurs défenses immunitaires affaiblies. «Dans le cas de traitements contre le cancer, c’est moins la dose administrée que le rythme qui compte, précise Pierre Hoesli, médecin spécialisé en oncologie aux eHnv. Il est donc impératif de maintenir les traitements en cours.»
Pour les patients en cours de traitement, il est indispensable de maintenir les soins. Des mesures telles que la séparation des lits ont été prises afin d’assurer leur sécurité.
«Les personnes atteintes d’un cancer se sentent déjà particulièrement menacées, explique Maggy Chappuis, infirmière cheffe en oncologie. Une part de notre rôle consiste à les rassurer. Continuer le traitement permet aussi de ne pas perdre ce contact essentiel.» Afin de sécuriser au maximum les visites, l’itinéraire des patients a cependant été repensé afin d’éviter les croisements au sein du centre. Les soins sont réalisés en chambres individuelles lorsque c'est nécessaire et bien sûr les soignants sont constamment équipés d’un masque. «Au niveau du personnel, nous avons choisi, avant la mise en place des mesures officielles, de limiter les visites et de veiller à respecter des distances de sécurité», ajoute Maggy Chappuis. Les simples contrôles ont été suspendus durant cette période, l’activité des cabinets et du centre d’oncologie et hématologie a donc baissé d’environ 30 %, selon Pierre Hoesli.
Pour certains patients, l’isolement est l’épreuve la plus difficile. «Les personnes plus âgées, en particulier, suivent souvent un traitement contre le cancer pour leurs proches, note l’infirmière. Ne plus pouvoir avoir de contacts avec la famille fait que ces patients n’ont plus aucune motivation pour continuer le traitement.»
Des paravents sont utilisés afin de limiter les risques de transmission du virus et le personnel est constamment masqué.
Ce n’est pas le cas de Marie qui a eu la chance d’être constamment entourée de sa famille durant la crise. «C’était précieux pour le moral de pouvoir être avec mes enfants et mon mari toute la journée.» Et le confinement collectif présente même certains avantages. «Le fait que les espaces publics soient à l’arrêt m’aide à me concentrer sur la guérison. Je ne dois pas faire face à la frustration de me priver d’activités sociales en raison de la maladie.» Prochainement, Marie devra subir une ablation du sein pour finaliser le traitement. «Je ne suis pas rassurée à l’idée de me rendre à l’hôpital, et j’espère qu’au moment de l’opération je pourrais avoir mon mari près de moi au réveil. Mais je veux absolument guérir, alors je surmonterai ces appréhensions.»
Pour l’oncologue Pierre Hoesli, un des points importants dans la gestion de cette crise a été d’informer les patients et de rassurer ceux qui se sentaient effrayés par l’idée de se rendre à l’hôpital.
* Marie est un prénom d’emprunt